Au nord du Togo, l’électricité est devenue, dans certains territoires sensibles, un puissant levier de cohésion sociale et un rempart discret contre l’insécurité. Dans la région des Savanes et de la Kara, l’électricité joue aujourd’hui un rôle stratégique. Face aux menaces terroristes, l’État a multiplié les initiatives pour faire de la lumière un outil de paix. Et ce pari de l’électrification ciblée semble en train de porter ses fruits.
Un chiffre illustre l’ampleur de l’ambition : plus de 300 000 lampadaires installés au nord, notamment dans les Savanes et la Kara, dans le cadre du projet des 500 000 lampadaires solaires. Son objectif est d’éclairer les localités vulnérables, de dissuader les infiltrations nocturnes des groupes armés et de restaurer un climat de confiance dans les espaces publics.
La présence de ces lampadaires dans les villages, autour des marchés, des centres de santé, des écoles ou encore le long des axes routiers, redonne aux habitants une liberté de mouvement après la tombée de la nuit, rassure les femmes commerçantes et les élèves, renforce l’emprise de l’État sur ces territoires.
Des bases militaires électrifiées, la visibilité et la sécurité renforcées
L’État a également renforcé les capacités énergétiques de ses forces de défense. Le projet d’installation de groupes électro-solaires dans les bases militaires de la région des Savanes s’inscrit dans cette logique. Ces systèmes autonomes permettent d’assurer une veille constante des installations militaires, tout en réduisant la dépendance au carburant et en améliorant la réactivité en cas d’incident sécuritaire.
Ce renforcement énergétique des garnisons participe à la sécurisation de la région et à une meilleure couverture opérationnelle. L’armée est désormais plus visible, mieux équipée et davantage ancrée dans le paysage local.
De la lumière dans les foyers et les services publics
Dans les villages de Bieligue et Zintango, 133 kits solaires domestiques ont été distribués dans le cadre du projet de fourniture et d’installation de kits solaires pour certains ménages à fort indice de pauvreté dans la région des Savanes (Ashden), donnant ainsi aux familles un accès direct à la lumière, sans attendre les branchements au réseau national.
Plus structurellement, le fonds Tinga, créé pour faciliter l’accès à l’électricité via des branchements subventionnés, a permis en 2024 de raccorder 21 430 ménages, soit 54 % de l’objectif initial de 40 000 branchements. Une performance significative, qui touche en priorité les populations rurales.
Par ailleurs, 129 localités ont été ciblées pour des projets d’électrification par l’Agence togolaise d’électrification rurale et des énergies renouvelables (AT2ER), dont un nombre conséquent dans les Savanes et la Kara. Le taux de couverture électrique est passé de 29 % en 2021 à 42 % en 2023, porté notamment par 15 000 foyers supplémentaires raccordés à travers le Programme d’urgence pour la région des Savanes (Purs). À noter que ce programme a mobilisé plus de 50 milliards dès la première année de sa mise en œuvre (2022).
Le projet Kamadama, une colonne vertébrale énergétique pour le nord
L’une des infrastructures phares dans cette dynamique est sans doute le projet Kamadama, lancé en 2021. Il s’agit d’une ligne haute tension de 161 KV sur 310 km, destinée à relier les villes stratégiques de Kara, Mango, Dapaong, Mandouri, jusqu’à la frontière avec le Bénin.
Cette épine dorsale énergétique vise à renforcer le réseau électrique national, en fluidifiant la distribution et en fiabilisant l’approvisionnement. Les retombées attendues sont multiples : meilleure desserte des hôpitaux, écoles et commissariats, encouragement à l’installation de petites entreprises, création d’emplois et réinsertion des jeunes.
La présence de l’électricité joue également un rôle dans la lutte contre les déplacements internes. Des localités naguère vidées de leurs habitants commencent à voir revenir des familles. Les lampadaires rassurent, les services publics fonctionnent de nouveau et l’activité économique reprend. L’électricité, en ce sens, devient un facteur de stabilisation sociale et même de réconciliation silencieuse avec le territoire.
La Rédaction