Le Togo prend part à la 78èm session de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies qui se déroule en ce moment dans la ville de New York aux Etats unies d’Amérique. A sa prise de parole, Prof Robert Dusse, ministre des affaires étrangères du Togo ne mâche pas les mots. Il déverse ses vérités sur la table des discussions en cours et expose les exigences d’une Afrique nouvelle. A en croire le diplomate togolais, les partenaires doivent prendre en compte les aspirations des peuples africaines dans une approche de coopération franche et sincère. De la nécessité de réformer le conseil de sécurité des nations unies, à la gestion efficace des crises dans le monde, en passant par l‘obligation pour les partenaires de reconsidérer leurs positions vis à vis de l’Afrique, le Ministre ne cache pas ses convictions pour une “Afrique africaine”. La Rédaction de Reporterdafrique vous propose un extrait du discours prononcé par le professeur devant les nations unies.
« …Pour ce qui est de la réforme du conseil de sécurité des Nations Unies je ne vais plus revenir dessus. L’Afrique ne peut plus rester en marge de l’instance à laquelle il revient d’assurer la paix et la sécurité internationales. Le Conseil de sécurité ne peut plus demeurer une simple affaire des vainqueurs et leurs alliés du deuxième conflit mondial. Rien ne peut plus justifier le maintien du statut quo. La structuration idéologique et institutionnelle du monde d’après-guerre est désormais obsolète.
Le statut quo ne peut plus continuer.
Nous sommes à une nouvelle ère des relations de l’Afrique et du Sud global avec le monde et l’Afrique n’entend plus dans la nouvelle dynamique restée dans l’ombre d’une quelconque grande puissance. Le temps où d’autres entités prétendaient parler au nom d’une Afrique qu’elles n’écoutent même pas ici aux Nations Unies et sur la scène internationale est révolu. Les partenaires de l’Afrique, nouveaux ou anciens, qui hésitent encore à accepter la nouvelle trajectoire prise par l’Afrique dans le processus d’évolution historique doivent changer d’attitude, d’approche dans une Afrique qui a profondément changé.
Ces dernières décennies, notre monde a subi de grandes révolutions silencieuses dont la signification profonde réside dans le renouveau qualitatif qu’elles induisent dans les relations entre les Nations et qui les accompagne dans l’Histoire. La réalité du monde, c’est qu’il n’a plus de centres de gravité monopolistique. Le centre du monde est désormais ici et nulle part ailleurs.
En tout état de cause, ce qui est clair et que je voudrais rappeler ici, c’est que l’Afrique regarde désormais ses relations aux grandes puissances par rapport à ses propres intérêts.
La question de la réforme de l’architecture multilatérale mondiale préoccupe l’Afrique au point qu’elle sera au cœur du 9e Congrès Panafricain de 2024 prévu à Lomé. Pour ceux qui ne le savent pas, le temps est celui du réveil africain et du renouveau du panafricanisme. Dans l’élan panafricain, et conformément aux nobles objectifs des pères des indépendances africaines, l’Afrique et les africains réclament et entendent porter leurs propres voix et ceci de façon souveraine, libre et indépendante sur la scène internationale.
L’Afrique sait ce qu’elle veut. Les peuples africains et du Sud global sont frustrés car ils se sentent insultés, déshumanisés et ils se demandent :
qui donc êtes-vous pour bafouer notre humanité ainsi ?
qui donc êtes-vous pour nous mépriser ainsi ?
qui donc êtes-vous pour nous humilier ainsi ?
Notre organisation continentale l’Union Africaine travaille à porter au mieux l’espoir et la voix d’une Afrique souveraine, libre et indépendante sur la scène internationale, mais aussi nous y travaillons dans le cadre de l’Alliance Politique Africaine lancée à Lomé le 03 mai 2023 à l’initiative du Président de la République Faure Essozimna GNASSINGBE dont la vision est de réaliser une Afrique plus unie, forte, souveraine, paisible et audible sur la scène internationale, garantissant le bien-être de ses peuples.
Les rivalités entre les grandes puissances ne doivent pas être d’emblée celles africaines. Tout le défi, pour nous nations africaines, c’est d’éviter de prendre part à des rivalités qui ne sont pas les nôtres. Il nous faut porter nos propres combats qui sont, entre autres la lutte contre le néocolonialisme, la lutte contre la pauvreté, l’industrialisation du continent et la prospérité économique, le combat pour la paix, la lutte contre la désafricanisation de l’Afrique et pour la renaissance africaine et la dignité, la lutte pour nous libérer définitivement de toute subordination étrangère, l’engagement pour une meilleure représentativité de notre continent dans le concert des nations et des continents. Nos combats ne sont ni ceux de l’Ouest ni ceux de l’Est, encore moins ceux d’un quelconque bord ou partie du monde. Nous devons nous concentrer sur nos combats actuels et à venir.
La politique internationale ne saurait être réduite à un champ caporalisé où l’on soit obligé de prendre position en faveur d’un camp contre un autre. Nous voulons un système international réformé fondé sur des valeurs et des principes que respecte tout le monde et respectueux du droit des peuples à se positionner librement selon leur convenance sur la scène internationale. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes implique le droit de chaque État à se comporter comme il veut sur la scène internationale dans les limites du respect de ses engagements internationaux.
Sur les grands défis transnationaux de notre siècle comme le changement climatique et la lutte contre le terrorisme international, nos vues peuvent rencontrer celles des autres, mais elles doivent demeurer nos vues profondément réfléchies et arrêtées conformément à nos agendas propres. Il n’est plus question pour l’Afrique que nous voulons et portons de jouer des rôles de second plan dans la dynamique d’évolution du monde. L’Afrique dont je vous parle n’est plus prête à accepter la propension de certains pays à faire de leurs préoccupations d’ordre géostratégique celles des africains.
Au demeurant, les défis de notre monde sont grands et les nouvelles orientations africaines en matière de relations extérieures obéissent à la dynamique d’un renouveau et d’un changement de paradigme. Le temps est celui du réveil africain et panafricain où notre continent a repris conscience de lui-même et de ses responsabilités internes et à l’égard du reste du monde. L’Afrique a besoin d’un partenariat respectueux de la stricte dignité de chacun. Nous voulons être vos partenaires et non vos sujets. Nous voulons servir nos peuples et non servir des intérêts étrangers.
Cette nouvelle dynamique n’est dirigée contre personne. Elle est l’expression d’une Afrique nouvelle, d’une Afrique africaine ».
La Rédaction